La technologie a profondément révolutionné la musique en greffant des transformations électroniques sur le timbre des instruments. Elle a permis que se développe une pensée musicale qui ne se meut plus dans l'espace de la partition, mais manipule directement la matière sonore, notes et bruits confondus. Archipel 2020 présente les prémisses et les aboutissements de ce passage fondamental.
En 1964, des décennies avant que l'informatique ne rende la pratique familière, Mikrophonie I de Karlheinz Stockhausen est la première incursion de la musique dans un nouveau domaine: le traitement en direct du son d'un grand tam-tam joué simultanément par les percussionnistes et les ingénieurs du son. Quelques années plus tard, Mémoire/Érosion de Tristan Murail, transpose les
effets de la musique concrète (boucles, réinjections, saturation) dans un concerto pour cor et ensemble selon une démarche que l'on pourrait dire en miroir de l'œuvre de Stockhausen. Aujourd'hui, l'informatique assure la transformation et la spatialisation des sons. Art of Metal III du compositeur français Yann Robin, en résidence cette année à l'Orchestre de la Suisse Romande, est une ode à la puissance, l'éclat, l'énergie des sonorités métalliques magnifiées par l'électronique. Cette création est donnée en regard de Melodien de Lgeti où mélodie et harmonie fusionnent en morphing imperceptible, et de la Symphonie funèbre de Joseph Haydn, chef-d'œuvre du Sturm und Drang, autre instant de passage, quand le Classicisme débouche sur le Romantisme.
Marc Texier
directeur général d'Archipel