Quand l'Ensemble PhilidOr m'a proposé de réfléchir à un projet de création pour instruments du XVIIIe siècle, l'enregistrement de mes Madrigali pour 3 voix et instruments du XVIIe siècle venait tout juste d'être édité suite à leur création à l'abbaye de Royaumont. Sensibilisé aux sonorités particulièrement riches des instruments baroques, on m'offrait alors la possibilité de poursuivre cette voie de création dans le domaine des instruments classiques à vent.

Les instruments anciens produisent des timbres aussi raffinés que fragiles qui, paradoxalement, apparaissent à l'écoute contemporaine comme étant nouveaux. Grâce à la précision de la lutherie moderne, nous nous sommes habitués à des timbres instrumentaux consistants et uniformes, qui ne varient pas en changeant de fréquence ou de nuance. À la différence des instruments modernes, chaque note des instruments anciens possède ses propres qualités sonores et cette palette perdue constitue l'une des richesses qu'ils nous offrent. Pour le compositeur d'aujourd'hui, c'est alors comme pour le peintre qui travaillerait avec des couleurs qu'il obtiendrait avec des procédés de fabrication anciens ; cette (re)découverte stimule la création.

Un autre aspect des instruments à vent anciens dont je me suis servi est également lié à leur lutherie particulière qui, étant totalement rudimentaire, impose des contraintes permanentes. Avec ces instruments, qui ont été conçus pour jouer de la musique tonale, tout n'est pas réalisable dans un contexte non tonal : les combinaisons des doigtés inusuels et émettant des sonorités acceptables, ne rendent possibles que peu d'enchaînements...

J'ai alors choisi d'utiliser cette condition comme un réseau positif de contraintes, conduisant ma musique dans des rapports naturels avec les instruments et leurs capacités.

Un dernier aspect m'a été suggéré par les instruments classiques : écoutant des pièces que J. Haydn et W. A. Mozart ont composés pour des instruments à vent, j'ai retranscrit des textures résultant de la distribution qui y était faite des instruments. J'ai alors obtenu des modèles idiomatiques que j'ai utilisé avec mon propre langage musical.

Le titre Nuits - Cassation, fait référence à l'essentiel des formes musicales classiques pour instruments à vents : musique de nuit, de plein air et de célébration. Musique de fête mais qui pouvait aussi être retranscrite en des symphonies pour orchestre complet destinées à la grande salle de concerts. Musiques privées et publiques coexistent alors dans le répertoire classique pour instruments à vent, deux objectifs qui trouvent dans ce cadre une convergence singulière.

Nuits - Cassation est une commande du Mécenat Musical Société Générale et de l'Ensemble PhilidOr.