A travers cette pièce, qui met à l'honneur l'œuvre et le monde de Bob Dylan, l'auditeur est convié à convoquer la mémoire comme on le ferait à travers un chant folk traditionnel. Convoquer la mémoire, c'est aussi la rassembler, littéralement comme on le fait avec des données informatiques quand on défragmente un disque dur.
Un disque dur comme l'histoire ou les cycles du temps. Un disque dur comme une œuvre… Cette pièce pour soprano, petit ensemble instrumental et électronique, nous plonge dans la « brèche Dylan » : cette figure de la musique populaire américaine qui a cristallisé les formes musicales les plus archaïques (blues, country-blues, chants de marins, folk des immigrants, chants des Appalaches, chants syndicaux, gospel etc), tout en ayant été l'accoucheur du rock et de la pop modernes, ouvrant la voie à plus de 40 ans de formes musicales et poétiques renouvelées.
La pièce, au-delà de la figure de Dylan, se veut moins un hommage qu'une plongée au cœur de l'imagerie du XXe siècle, utilisant le chanteur au carrefour de deux routes : celle de la tradition-oralité-mémoire et celle de la modernité-écriture- archivage. Parmi tout un lot de citations, tant musicales que textuelles, brassées dans cette œuvre-disque dur à défragmenter, nous croiserons des figures aussi diverses que Blind Lemon Jefferson et Rimbaud, Churchill et Cummings, Kurt Weill et Lord Byron, Guthrie, les Beatles, Ginsberg et Leadbelly… Un métissage de mémoires et d'histoires passées.
Avec ses (de)fragmentations on Bob Dylan, Jonathan Pontier se réapproprie l'univers du chanteur. Adepte du détournement, il élabore des « passerelles sonores et stylistiques » entre la culture musicale américaine de la deuxième moitié du XXe siècle – rock, pop, folk, country, chanson politique, opéra…– et son insertion dans la musique contemporaine « savante » européenne, en se référant aux Folk Songs de Berio.
Issu d'une culture du fragment et du zapping, son travail révise avec humour les notions de complexité et de progrès. Présent sur scène, il réalise un traitement informatique en direct, afin de « retranscrire cette mise en danger, ce refus du compromis, cette recherche constante de nouveaux langages, en cassant la forme jusqu'à ce qu'elle ploie, en une espèce de blues de la fin d'un monde. Un blues dont la mélodie pourrait survivre à travers les âges…».