Du charme éphémère de la cause au plaisir durable de la raison
Le bac et le jardin
Compost est une installation sonore interactive. Elle est constituée principalement de deux espaces de diffusion sonore: le « bac » et le « jardin ».
En ouvrant le bac, on voit des déchets technologiques entassés et on entend une texture sonore assez dense. A la manière d'un compost de jardin, on trouve des parties d'objets domestiques (récupérées dans les rues de la ville), principalement des haut-parleurs disposés aléatoirement, entremêlés à des câbles, à des circuits électroniques, et à quelques morceaux de plastique cassés. Lorsqu'on ferme le bac, on « ouvre » le jardin qui est constitué de tiges métalliques sur lesquelles sont accrochées des fleurs: les haut-parleurs. La densité de la composition est alors mise en valeur par cette ouverture de l'espace. Par la suite, le visiteur est invité à parcourir l'installation et à s'assoir, s'il le souhaite, pour écouter la composition. La durée de la composition est variable, elle dépend de l'approche du visiteur. La diffusion du son dans le jardin s'arrête lorsque le bac est ouvert à nouveau. Si on ne l'ouvre pas, la diffusion s'arrête après environ 12'.
Du point de vue de la composition proprement dite, on n'écoutera pas les fondamentaux classiques, ses mesures et ses proportions harmoniques mais, tout comme lorsqu'on observe la nature dans ses moindres détails, l'aspect granulaire et singulier du son et ses rapports à échelles multiples.
Au-delà du paradigme causal
Dans son sens étroit, lié au paradigme causal, on peut dire que l'aspect interactif de cette installation réside en la possibilité de passer d'un espace de diffusion à l'autre en ouvrant et en fermant le bac et le jardin. Bien que la participation physique du visiteur reste limitée à ce geste simple, c'est sur la composition (autant sonore que plastique) que l'oeuvre sollicite notre attention. On peut penser alors à un sens de l'interaction plus large, plus en lien avec nos langages, nos manières de percevoir et d'agir. De ce point de vue, Compost est, si on peut le formuler ainsi, une proposition écologique. Mais non, (ou non seulement), parce que les déchets technologiques ont retrouvé une nouvelle vie, mais surtout parce qu'il y a un autre passage, celui qui va du charme immédiat de la cause au plaisir durable de la raison.
Idée de départ et motivation
Le premier modèle de Compost a été conçu spécialement pour la rencontre « Composition musicale et jardins » 2012, organisée par le Centre de Documentation de la Musique Contemporaine (CDMC), à Paris, lequel a retenu le dossier. La composition musicale définitive et le montage de l'installation ont été pour le Festival Archipel 2013.
En cherchant autre chose que l'aspect apaisé et isolé souvent associé au jardin, j'ai trouvé dans l'idée du compostage (véritable armée de micro-organismes au travail diront les experts), une autre image de la nature, plus rude, mais non moins réelle pour autant. D'autre part, s'agissant de déchets technologiques (récupérés dans les rues de la ville), je veux garder un lien (non sans critiques bien entendu) avec notre manière de vivre actuelle.