Les origines des Folk Songs de Luciano Berio – qui ont été interprétés initialement par Cathy Berberian et un ensemble dirigé par Berio lui-même au Mills College en Californie en 1964 – remontent à l’époque estudiantine du compositeur à Milan. Lors de sa deuxième année au Conservatoire, en 1946 il a écrit Tre canzoni popolari (Three folk songs), dont deux, à savoir, La donna ideale et Ballo, ont été incorporées par la suite dans la partition des Folk Songs.
Le mariage de Berberian et Berio touchait à sa fin lors de la première performance des Folk Songs, mais leur partenariat artistique fleurissait comme en témoigne l'écriture de la Sequenza III, de Visage et Recital I.
Berio souhaite « créer une unité entre la musique folklorique et notre musique », entendez « contemporaine ». « Mes liens avec la musique folklorique sont souvent de nature émotionnelle » déclare-t-il également, « quand je travaille avec ce genre de musique, je frissonne toujours à ce que je découvre ». Cependant, parmi les sources choisies pour les Folk Songs, certaines ne sont pas authentiquement populaires. Outre les deux chansons écrites dans sa jeunesse, Black is the color et I wonder as I wander, qui débutent le cycle, ont toutes deux été écrites par le chanteur américain John Jacob Niles. L'origine des autres pièces est variée, sans lien autre que l'intérêt musical qu'elles suscitèrent en Berio. Bird-song semble avoir été suggérée par la chanson Bird on the Wing. Loosin yelav est évidemment un hommage à Cathy, d'origine Arménienne, et c'est elle également qui découvre, par hasard sur un vieux disque, l'Azerbaijan Love Song qui sera transcrite sans qu'elle, ni Berio, n'en comprennent les paroles. Malurous qu’o uno fenno et Lo fiolaire pourraient figurer dans des Chants d'Auvergne d'un nouveau Canteloube, n'était la modernité de l'écriture instrumentale de Berio.
Car même si cette œuvre est d'inspiration folklorique, elle se place surtout, par le caractère très savant de son orchestration, dans la lignée des œuvres pour voix et formation de chambre qui sont le socle de la musique du XXe siècle: Pierrot lunaire de Schoenberg ou Pribaoutki de Stravinsky. Limité à sept instruments (flûte, clarinette, harpe, deux percussions, alto, violoncelle), l'accompagnement instrumental est subtilement varié de pièce en pièce, invente à chaque instant des modes de jeux illustratifs, puis culmine dans la danse azérie finale. Berio veut « suggérer et commenter les racines expressives c'est-à-dire culturelles de chaque chant ». L'alto en doubles cordes suggère le violoneux de country dance, dans la première chanson américaine. La clarinette, dans le grave, est un bourdon de vielle à roue auvergnate. Le piccolo évoque l'ocarina des musique balkaniques. Une polyrythmie de tremollos instrumentaux rappelle le chant guttural sicilien, et des quart de tons aux cordes, le chant plaintif des Sardes. En 1973, Berio réalisera d'ailleurs une version orchestrale de ces Folk Songs qui en magnifie les effets instrumentaux.
1. Black is the color
Black is the color
Of my true love's hair,
His lips are something rosy fair,
The sweetest smile
And the kindest hands;
I love the grass whereon he stands.
I love my love and well he knows,
I love the grass where on he goes;
If he no more on earth will be,
'Twill surely be the end of me.
Black is the color, etc
2. I wonder as I wander
I wonder as I wander out under the sky
How Jesus our Savior did come for to die
For poor orn'ry people like you and like I,
I wonder as I wander out under the sky.
When Mary birthed Jesus 'twas in a cow stall
With wise men and farmers and shepherds and all,
But high from the Heavens a star's light did fall
The promise of ages it then did recall.
If Jesus had wanted of any wee thing
A star in the sky or a bird on the wing
Or all of God's angels in Heav'n for to sing
He surely could have had it 'cause he was the king.
3. Loosin yelav
Loosin yelav ensareetz
Saree partzòr gadareetz
Shegleeg megleeg yeresov
Pòrvetz kedneen loosni dzov.
Jan a loosin
Jan ko loosin
Jan ko gòlor sheg yereseen
Xavarn arten tchòkatzav
Oo el kedneen tchògatzav
Loosni loosov halatzvadz
Moot amberi metch mònadz.
Jan a loosin, etc.
4. Rossignolet du bois
Rossignolet du bois,
Rossignolet sauvage,
Apprends-moi ton langage,
Apprends-moi z'à parler,
Apprends-moi la manière
Comment il faut aimer.
Comment il faut aimer
Je m'en vais vous le dire,
Faut chanter des aubades
Deux heures après minuit,
Faut lui chanter: « La belle,
C'est pour vous réjouir ».
On m'avait dit, la belle,
Que vous avez des pommes,
Des pommes de renettes
Qui sont dans vot' jardin.
Permettez-moi, la belle,
Que j'y mette la main.
Non, je ne permettrai pas
Que vous touchiez mes pommes,
Prenez d'abord la lune
Et le soleil en main,
Puis vous aurez les pommes
Qui sont dans mon jardin.
5. A la femminisca
E Signuruzzu miù faciti bon tempu
Ha iu l'amanti miù'mmezzu lu mari
L'arvuli d'oru e li ntinni d'argentu
La Marunnuzza mi l'av'aiutari.
Chi pozzanu arrivòri 'nsarvamentu
E comu arriva 'na littra
Ma fari ci ha mittiri du duci paroli
Comu ti l'ha passatu mari, mari.
6. La donna ideale
L'omo chi mojer vor piar,
De quattro cosse de'e spiar.
La primiera è com'el è naa,
L'altra è se l'è ben accostumaa,
L'altra è como el è forma,
La quarta è de quanto el è dotaa.
Se queste cosse ghe comprendi
A lo nome di Dio la prendi.
7. Ballo
La la la la la la...
Amor fa disviare li più saggi
E chi più l'ama meno ha in sé misura
Più folle è quello che più s'innamura.
La la la la la la...
Amor non cura di fare suoi dannaggi
Co li suoi raggi mette tal cafura
Che non può raffreddare per freddura.
8. Motettu de tristura
Tristu passirillanti
Comenti massimbillas.
Tristu passirillanti
E puita mi consillas
A prongi po s'amanti.
Tristu passirillanti
Cand' happess interrada
Tristu passirillanti
Faimi custa cantada
Cand' happess interrada.
9. Malurous qu'o uno fenno
Malurous qu'o uno fenno,
Maluros qué n'o cat!
Qué n'o cat n'en bou uno
Qué n'o uno n'en bou pas!
Tradèra ladèrida rèro, etc.
Urouzo lo fenno
Qu'o l'omé qué li cau!
Urouz inquéro maito
O quèlo qué n'o cat!
Tradèra ladèrida rèro, etc.
10. Lo fiolaire
Ton qu'èrè pitchounèlo
Gordavè loui moutous,
Lirou lirou lirou…
Lirou la diri tou tou la lara.
Obio n'o counoulhèto
É n'ai près un postrou.
Lirou lirou, etc.
Per fa lo biroudèto
Mè domond' un poutou.
Lirou lirou, etc.
E ièu soui pas ingrato:
En lièt d'un nin fau dous!
Lirou lirou, etc.
11. Azerbaijan love song
[intranscriptible]