Photo Régis Golay © Archipel 2015
Michael Jarrell (Suisse 1958) maîtrise l'orchestration par l'analogie picturale. Jouant de la sonorité du violoncelle comme d'une couleur changeant selon le fond d'orchestre duquel elle se détache, Jarrell applique aux timbres la théorie du contraste simultané formalisée par Johannes Pawlik dans …chaque jour n'est qu'une trêve entre deux nuits…. Hugues Dufourt fait naître ses œuvres de sa réflexion de philosophe sur la peinture classique. Poussin, Rembrandt, Guardi et Bruegel sont les inspirateurs de son cycle Les Hivers, où l'orchestre cristallin frissonne face aux représentations picturales du froid. La création de Mithatcan Öcal (Turquie 1992) nous fait découvrir un jeune artiste turc dont la précocité n'égale que le talent d'orchestrateur, autre grand coloriste en devenir. Ce concert d'ouverture du Lemanic Modern Ensemble dirigé par William Blank nous permet de recevoir pour la première fois lors d'Archipel la grande violoncelliste Martina Schucan, élève de Navarra, Schiff et Starker, professeure à la Haute École de Zurich et membre du Collegium Novum (vendredi 20 mars 20h, MCP).
En miroir de ce concert, celui de l'ensemble Contrechamps avec pour la première fois le Trio
K/D/M, se consacre également à Jarrell mais aussi à des musiciens espagnols pour explorer cette fois-ci le versant graphique de l'inspiration picturale. Congruences (1989), première grande pièce avec électronique de Michael Jarrell, s'inspire des notions géométriques de plan, de perspective, d'anamorphose et de figure, projetées dans une forme temporelle. Après avoir été développée pour orchestre (Sillage créée par l'OSR en 2005), Jarrell revient à la version initiale de l'œuvre dans une nouvelle réalisation de l'électronique par l'Ircam. Cette création sera accompagnée par trois générations de musiciens ibériques. Compositeur espagnol d'origine suisse allemande et alsacienne, qui mourut anglais, élève de Pedrell, de Schoenberg et de Granados, tiraillé entre les castagnettes et la dodécaphonie, Roberto Gerhard (Espagne/Angleterre 1896-1970) est un génie à redécouvrir qui tenta toute sa vie de synthétiser ces influences inconciliables : le folklore, le structuralisme. Alberto Posadas (Espagne 1967) et le jeune Marc Garcia Vitoria (Espagne-Suisse 1985), élève de Jarrell, démontrent la vitalité artistique de l'Espagne, qui à la suite de Gerhard, a épousé les canons de la modernité européenne (vendredi 27 mars 20h, MCP).
Marc Texier
directeur d'Archipel