Archipel 2015

Lune vague et lanterne magique
Archipel 2015
Photo Régis Golay © Archipel 2015

Remontons plus loin encore, à la préhistoire cinématographique, à la lanterne magique. Entre art et science, les images animées de la lanterne magique, plaques de verre peintes à la main et mécanismes miniatures conçus spécialement pour ce spectacle par les élèves de l'École d'horlogerie de Porrentruy, sont projetées sur un écran rond comme une lune au-dessus des pianos. Cet onirique théâtre d’ombres accompagne de ses divagations flottantes le sublime piano d'Alexeï Lubimov jouant la musique des deux rêveurs définitifs du XXe siècle : Satie et Cage, enfin réunis dans les volutes de l'au-delà par la talentueuse metteuse en scène Louise Moaty (samedi 28 mars 21h, MCP).

Comme Murnau, Kenji Mizoguchi (Japon 1898-1956) dépeint la société à travers le verre dépoli du songe. Empruntant au recueil de nouvelles d'Akinari Ueda, mais aussi à Maupassant, plusieurs histoires dramatiques ou fantastiques dans la société féodale nippone, Les Contes de la lune vague après la pluie est un film sur la condition humaine, d’une puissance et d’une justesse incomparables. Mizoguchi y aborde ses thèmes de prédilection : la violence sociale et naturelle, la prostitution, la condition féminine, la lutte de l’homme contre ses propres démons. Le cinéaste fustige la course effrénée au profit, la folie guerrière, les rêves de gloire factice. Porter à la scène le film de

Mizoguchi, en tirer un livret, y adjoindre une musique originale qui permette une articulation claire de l’évolution dramatique du conte : c’est à ce pari difficile que se sont attelés deux artistes de la scène lyrique genevoise. Réagissant au désir du compositeur Xavier Dayer (Suisse 1972) d’écrire un opéra «qui raconte», le librettiste Alain Perroux (Suisse 1971) a choisi de partir du scénario du film pour écrire le livret, cherchant à préserver la richesse, le souffle poétique, ainsi que la trame de l’œuvre de Mizoguchi : l’histoire d’un potier de village du XVIe siècle japonais, Genjurō, qui malgré la guerre civile part vendre sa production dans la capitale. En ville, il tombe sous le charme d’une femme « fantôme » et oublie tout de sa vie précédente. Libéré de cette emprise, il reviendra dans son village pour réaliser qu’il a perdu son épouse, victime des ravages de la guerre. Histoire à dimension morale, cet opéra retrace le cheminement des personnages qu’un désir puissant de reconnaissance sociale mène à une tragique désillusion (projections : mercredi 25 mars, vendredi 27, lundi 30 mardi 31 à 20h, dimanche 29 mars à 14h, Cinémas du Grütli ; l'opéra en version concert : dimanche 29 mars 17h, Victoria Hall dans le cadre des Concerts du Dimanche de la Ville de Genève).

Marc Texier
directeur d'Archipel