Sergueï Eisenstein

La Grève  (1924)  #1h10

D.R.
En concert
La musique du muet I - sa 21.3 19h

Vidéos

1924, URSS, 70 min, noir & blanc, 35 mm, muet. Intertitres russes sous-titrés en français. Restauration effectuée en 2008 au laboratoire L’Immagine Ritrovata avec le soutien de la Fondation Groupama Gan pour le Cinéma
avec Ivan Kljuvkine, Alexandre Antonov, Gregori Alexandrov.

Dans la Russie tsariste, des ouvriers opprimés se mobilisent contre la classe dirigeante. C’est la grève. Plus théorique que politique, Eisenstein, dès son premier film, révolutionne le système narratif traditionnel et pose les bases de ses choix esthétiques. Le film provoque débats et controverses au sein de l’avant-garde. Vertov défendant sa conception du cinéma-vérité lui reproche de se fourvoyer dans la fiction. Eisenstein lui rétorque en appelant au cinéma (coup de) poing: «N’expliquons pas le monde, mais transformons-le!»

Premier film de Sergueï Eisenstein, La Grève transforme un coup d’essai en coup de maître. À l’origine conçu pour être le premier volet d’un cycle consacré au développement du sentiment et de l’idéal révolutionnaires jusqu’aux événements d’octobre 1918, La Grève sera finalement laissée sans suite. Eisenstein y fait preuve pourtant déjà d’une grande maîtrise formelle, aussi bien dans la composition des plans que dans le montage rythmé des scènes. Tourné avec de véritables ouvriers partageant leur temps libre dans une organisation culturelle chargée d’apporter la culture aux masses, le fameux

Proletkult, La Grève chante les louanges du collectivisme, tout aussi bien dans sa thématique que dans sa forme, les mouvements de foule ayant les faveurs du cinéaste qui y trouvait là la matière essentielle des possibilités cinématographiques.

Plus de quatre-vingts ans après sa réalisation, le film n’a rien perdu de sa vigueur et de son audace. S’écartant de la dramaturgie conventionnelle, Sergueï M. Eisenstein fait vibrer chacune de ses images pour mieux convaincre sur le fond. Ici pas de héros identifiable mais le rôle central de la foule anonyme, celle qui constitue une force contre le pouvoir patronal. Le cinéaste filme en plans d’ensemble et en gros plans celles et ceux qui luttent pour leurs outils de travail. Visages déterminés, corps liés par l’action et le mouvement, Eisenstein fait du cinéma le vecteur privilégié de la révolte révolutionnaire et inspirera tous ceux qui viendront par la suite. L’image comme arme de propagande bolchévique, loin du cinéma narratif bourgeois qui se contente de raconter des histoires sans penser aux moyens mis en œuvre pour se faire. Dans La Grève, Eisenstein pense déjà au rôle du montage comme signifiant. Il poursuivra ce travail de réflexion sur tous ses films suivants, notamment sur Le Cuirassé Potemkine dès l’année suivante.