Kenji Mizoguchi

Les Contes de la lune vague après la pluie  (1953)  #1h33

D.R.
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Contes de la lune vague I - di 29.3 14h

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A la fin du XVIème siècle, le Japon est dévasté par les précédentes guerres, dans un petit village, une famille vit des poteries. Aidé par un de ses voisins Tobei et sa femme Ohama, Genjuro part avec sa famille vendre à la ville ses objets, qu'il a sauvés in-extremis du feu. Les personnages doivent à cause de fortunes diverses se séparer, Genjuro est emmené par une princesse dans sa demeure, Tobei est enrôlé dans l'armée, Ohama est pourchassé par des soudards tandis que la femme de Genjuro essaye de survivre avec son enfant …

En 1951, Akira Kurosawa faisait découvrir les merveilles du cinéma japonais en remportant le Lion D'Or à la Mostra de Venise avec Rashomon. Deux ans plus tard, l'un des autres maitres nippons illuminent le festival par son style poétique d'une grande virtuosité. Avec Les Contes De La Lune Vague Après La Pluie, Kenji Mizoguchi nous prouve tout son talent de cinéaste et s'impose comme un des plus grands.

Après La Vie D'O'Haru Femme Galante, Kenji Mizoguchi décide d'adapter deux nouvelles des Contes De La Pluie Et De La Lune de Ueda Akinari: La Maison Dans Les Roseaux et L'Impure Passion, et s'inspire également des contes et nouvelles de Guy De Maupassant pour réaliser son nouveau film au titre magnifique, Les Contes De La Lune Vague Après La Pluie. Toujours avec son équipe technique favorite et de grands acteurs japonais, Mizoguchi décide de dépeindre le Japon ravagé par la guerre du XVIème siècle entre destruction et cupidité. Le cinéaste est devenu depuis le début de sa carrière un des spécialistes du mélange entre le surnaturel et le réel, qui influencera notamment de nombreux réalisateurs du Nouvel Hollywood et enchantera tous les critiques découvrant le film lors de la Mostra. Mizogushi, à l'aide de son scénario, dessine alors différents portraits de personnages et de familles aux trajectoires opposées, symboles de cette destruction et cette cupidité mais surtout abordant les thèmes récurrents du cinéaste comme l'amour, la famille, l'honneur, le travail, la condition féminine, la responsabilité, … . Le début du film se situe plus dans la vaine réaliste

de l'auteur avec une présentation des deux familles et d'un village forcés à fuir et dessine un de ses thèmes favoris: la place de l'artiste dans la société avec ce potier qui souhaite embellir le monde avec ses créations. La caméra est dans ces séquences assez éloignée et utilise à merveille les magnifiques décors naturels grâce à la profondeur de champs et à un parfait découpage scénique.

Le cadre se recentrera lorsque le village sera attaqué, le visage nerveux et intense des acteurs sera la principale cible de la caméra. Lors de la fuite, Mizoguchi prouvera son talent pour le travelling latéral en filmant ces habitants fuyant dans la forêt avec les reflets des arbres sur les corps. Dès lors que les protagonistes ont quitté le village pour rejoindre la ville et vendre leurs poteries, le film tombe dans l'art du cinéaste du mélange entre le réalisme et le surnaturel grâce à une unique scène, digne héritière expressionniste d'une célèbre de L'Aurore de Murnau, sur le lac avec cette brume opaque, inquiétante laissant transparaitre les spectres qui annoncent le malheur futur. Sommet visuel du film, tournée en studio, la scène est sublimée par le jeu de lumière expressionniste reflété comme dans un miroir par l'eau, mais surtout cette étrange brume brouille les formes comme la barque arrivant lentement en arrière-plan, créant alors des ombres et des spectres inquiétants. Mizoguchi divise alors le film en plusieurs trajectoires avec des ambiances et tons différents dans lesquelles il explore ses thèmes récurrents comme l'égoïsme et la vanité: Tobei, obsédé par l'armée et son costume. Kenjuro lui fait face à deux fantômes féminins des plus étranges qui l'ensorcellent, tandis que les femmes tentent de survivre dans ce monde dominé par les hommes.

Les Contes De La Lune Vague Après La Pluie de Kenji Mizoguchi est sans nul doute un chef d'œuvre universel et impérissable du cinéma mondial, un film total, portrait d'un Japon en destruction dans lequel l'humanisme se confronte aux pires démons de l'être. Fantastique, réaliste, poignant, émouvant, éprouvant, … un film somme, un des plus beaux de l'histoire du cinéma.

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