Vito Zuraj

Femme 100 têtes  (2016) — création mondiale
Max Klinger, «Die neue Salome», 1893
En concert
Des rives, des rêves 3 - di 13.3 16h30

Femme. Sans. Tête.

Elle est fascinée par sa voix séduisante, cette voix dont les tons éthérés soufflent vers elle, l’arrachent à sa torpeur et l’éveillent à un désir qui jaillit en elle, l’attente insatiable d’un baiser. Salomé n’est pas habituée à voir ses souhaits niés, et quand elle ne voit pas d'autre moyen d'atteindre son souhait, elle se contente de la tête de celui qu'elle désire. Salomé, une femme qui utilise la force meurtrière pour sécuriser ses demandes, a été érigée, au milieu du XIXe siècle, comme modèle par excellence de la brutalité et de l'érotisme féminin pur et s’inscrit comme la figure de la femme «christo mythologique» prééminente dans la littérature et la musique.

Les traitements les plus éminents de ce sujet ont été réalisés par Oscar Wilde et Richard Strauss. Oscar Wilde a évoqué la figure de Salomé dans l'atmosphère de Moonstruck, un drame en prose créé en 1896, et dont la mise en musique par Richard Strauss en 1905 forme une somptueuse danse dans l’abîme, un travail qui est considéré comme l'incarnation même de la décadence.

Les poètes tels que Gustave Flaubert et Mallarmé, ainsi que les artistes Oskar Kokoschka, Edvard Munch und Franz von Stuck, se sont également inspirés de cette figure. D'autres compositeurs ont été en proie à la fascination pour Salomé, comme Florent Schmitt, Paul Hindemith, et dernièrement Matthias Pintscher. À ce jour, Salomé reste une

représentation fascinante de la domination du désir sur l’être.

En combinant la voix de soprano avec une contrebasse, Uli Fussenegger et Hélène Fauchère ont cherché une association qui semble à première vue tout aussi similaire à l'interaction irréalisable entre Salomé et Jochanaan.

Une puissante attraction similaire est évidente dans l'œuvre lors de la réunion entre l’agile soprano Hélène Fauchère et l’éloquente contrebasse de Fussenegger.

La physicalité de la voix et la matérialité vocale de la contrebasse s’engagent dans un dialogue séduisant, un dialogue qui s’intensifie rapidement vers la catastrophe.

La prolifération actuelle des décapitations disponibles sur des vidéos n’immunise pas des dangers de perdre sa tête.

La femme 100 têtes est la deuxième collaboration entre le compositeur Vito Zuraj et le dramaturge Patrick Hahn. Comme ce fut le cas dans leur paraphrase de Schubert Schub'r'dy G'rdyi, ils tirent leur matériel de l'examen approfondi d'une œuvre du canon musical existant. Le texte et la musique révèlent ici des connexions immédiates à la Salomé de Strauss/Wilde. Dans le présent ouvrage, ces citations servent d'impulsions vers de nouveaux modes d'expression et aspirent à une superposition surréaliste de strates expressives.

Le titre lui-même est inspiré par La femme 100 têtes, de Max Ernst, qui lui-même pourrait être considéré dans ce cas comme un homophone de La femme sans tête, ou La femme sent: tête. Femme et tête générent le sens: La femme. Sens. Tête.

Patrick Hahn
Traduit de l'anglais par Orane Dourde