Beat Furrer

Lotófagos  (2010)  #11mn
pour soprano et contrebasse, scène X de l'opéra «Wüstenbuch»
© Harald Fronzeck
En concert
Des rives, des rêves 1 - di 13.3 13h30

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Nous étions dans un désert, confrontés à notre propre image,

Nous avons perdu la mémoire, confrontés à notre propre image que nous ne reconnaissons pas.

Dans la nuit apparaît une aile appartenant au passé.

Nous ne connaissons pas la mélancolie, ni la fidélité, ni la mort

Rien ne semble venir à nous, masques stupides au milieu des bassins vides.

Nous ne sommes capables de rien engendrer.

Un léger vent encore chaud du Sud lointain.

Était-ce un souvenir?

José Angel Valente

Le sixième et plus récent projet de théâtre musical de Beat Furrer débute avec un lointain cri d’appel par-delà une barrière. Ce cri oscillant, incontrôlable, suscite la fascination et crée l’expression dramatique de l’imprévisibilité. Une partie de cette séquence scénique constitue Lotófagos pour soprano et contrebasse dans laquelle Furrer diffuse un soupir compulsif, un état flottant infini. Musicalement, l'émergence de la mélodie est créée par la vibration des sons de la voix auxquels la contrebasse offre initialement une aura

harmonieuse et un espace de résonance. «Nous étions dans un désert, confrontés à notre propre image, Nous avons perdu la mémoire…».

Lotófagos signifie mangeurs de lotus et fait allusion aux compagnons d'Ulysse qui ingurgitaient ces plantes aquatiques pour oublier. Le texte de José Angel Valente, mis en musique, traite de cette mémoire perdue; un pressentiment, porté par un vent chaud, nous est fourni à la fin de son poème: «Est-ce un souvenir ?

». Oubliées elles aussi, la tristesse, la joie et la mort… C’est par la mort seulement que l’homme peut se représenter le temps qui passe. Le désert est le lieu et le symbole du non-souvenir, de l'état «autre» qui peut être décrit de diverses façons: comme l'étrange, l'oubli, le non-être, la mort. L'intemporalité doit – et ceci est un exemple du processus compositionnel de Beat Furrer – suivre cette image du thème de l’oubli lors de la conception musicale.

Marie-Luise Maintz
Traduit de l'allemand par Orane Dourde