Carlos Grätzer

Le Vent  (2014)  #1h15’ — première suisse
pour violoncelle, saxophone et électronique accompagnant la projection du film de Victor Sjöström


D.R.
En concert
Le Vent de Victor Sjöström - 27.03 20h

Vidéo

Pour ce film, le choix qui m'a paru le plus approprié, c'était d'utiliser un instrument à vent (le saxophone) et un instrument à cordes (le violoncelle), et l'électronique. Ces deux instruments à eux tous seuls, pouvaient en effet s'incorporer dans la narration et dans l'espace cinématographique, en harmonie avec la thématique et les images. Cette instrumentation me permet, en outre, de jouer avec leurs contrastes et leurs complémentarités, mais également, ces deux sources sonores, à travers des modes de jeux propres et des transformations diverses, peuvent fusionner et élargir leurs spectres. Le paysage âpre du film, ainsi que l'intensité interne des jeux d'acteurs et de «l'action de la nature», de même que les tensions multiples, sont appuyés intensément par les possibilités expressives que ces instruments m'inspirent. Les sons électroacoustiques élargissent encore cette palette par le biais des échantillons faits des extensions des sons instrumentaux présents et aussi d'un bruitage fait des sonorités évoquant la nature: des sons lisses, granulés, striés, hachés, circulaires, obsessionnelles. L'écriture musicale est conçue en étroite corrélation avec la structure du film magistralement mise en place en termes de construction narrative et de découpage; ainsi, les rythmes et les motifs mélodiques sont extrapolés à partir de l'analyse des scansions entre les plans et les séquences du film. Différentes couches sont de cette manière mises en

relief, une thématique proche de la nature faite écho avec le dessein des personnages,

l'histoire qui est racontée. Les instruments épousent la corporalité des acteurs. Mais si la musique «suit de près» le mouvement des acteurs et souligne parfois les dialogues de façon presque opératique, elle reflet également la vie intérieure, les émotions, les désarrois et parfois l'humour des personnages. La nature est représentée par un univers «bruitiste», mais éloignée d'un réalisme trop marquant, laissant libre cours à une expression qui donne corps également au «Vent», protagoniste à part entière, symbolisé par l'image d'un cheval fantôme dans le ciel, qui en hennissant provoque des tempêtes. Le Vent est un film de l'apogée du cinéma muet (1928), il est «presque sonore», j'entendais souffler la poussière et percevais des cris en regardant ces images. J'ai suivi de près sa dramaturgie, tout en laissant aussi le son se libérer dans cet élan transcendantal comme celui de la force de la nature qui traverse le film. Mon idée musicale est que celle-ci se fonde avec le visuel, Le Vent est un film qui a de la matière (du grain) et de l'émotion, et je voulais étendre l'image, la narration, la dynamique, tout en m'insérant dans son espace. J'accompagne le mouvement et sa poétique, laissant agir «les circulations secrètes entre les arts».

Carlos Grätzer