Giacinto Scelsi

Anahit  (1965)  #11’
poème lyrique dédié à Vénus, pour violon et ensemble

Scelsi en Suisse, 1940 © Fondazione Isabella Scelsi
En concert
Vénus et le lac - 24.03 20h

En 1965, l'une des créations des plus aboutie et raffinée de Giacinto Scelsi a vu le jour, un chef-d'œuvre appelé Anahit d'après le nom égyptien de la déesse Vénus à qui la pièce est dédiée. Écrite pour violon et orchestre de chambre, Anahit est la seule pièce concertante de Scelsi, à l'exception de Kya pour clarinette et sept instruments, même s'il ne s'agit pas d'un concerto traditionnel mais plutôt d'un poème où le violon façonne le son. La partie solo d'Anahit développe une œuvre antérieure pour violon solo, Xnoybis. Elle est écrite sur trois portées et le violon est en scordatura (Sol-Sol-Si-Ré). Il est de ce fait possible d'entendre la même note jouée simultanément sur plusieurs cordes. La pièce a été créée à Athènes par le violoniste français Devy Erlih, l'un des pionniers de l'interprétation de la musique de Scelsi. La partition consiste en deux parties, séparées par une courte cadence, commençant à la section d'or. La courte introduction orchestrale repose sur un Si bémol, mais lorsque le violon entre sur un Ré, la tonalité est alors établie en

Sol mineur. Le violon, imité par l'orchestre, suit une longue courbe ascendante, progressant par microtons du Ré au Fa dièze. De façon répétitive, des accords parfaits et des septièmes de dominante se cristallisent pour se fondre immédiatement dans des glissandi. C'est un voyage mystique séduisant. Le violon travaille les hauteurs avec une grande variété de tremolos et d'oscillations sur plusieurs cordes et s'arrête à deux reprises lors de courts interludes orchestraux. Juste avant la cadence, l'harmonie se résout sur un unisson de Fa dièze, mais le violon continue de monter pendant la cadence pour atteindre un La bémol. Après une brève pause commence la seconde section, partant d'un Ré, une octave plus haut, dans un contexte harmonique de Sol majeur. Cette partie est plus courte que le première, mais plus intense, plus lumineuse, dépourvue d'interludes orchestraux, et atteignant aussi un Fa dièze, cette fois en tant que dominante de Si majeur. L'orchestre s'atténuant à la toute fin, le violon solitaire atteint finalement un Sol et y reste suspendu: il est difficile d'imaginer une fin plus poétique ou émouvante.