À l’heure des êtres synthétiques, de la réalité augmentée, de l’I.A., des chatbots qui répondent au téléphone, de Siri qui devine nos pensées, des voitures qui prennent seules le volant, de Deep Blue qui nous bat aux échecs et au jeu de Go, du data mining qui anticipe nos désirs et nos votes, il est temps de dompter notre peur de ce futur naissant, fascinant, terrifiant par la dernière qualité spécifiquement humaine : le rire, ainsi que le professait Rabelais à la suite d’Aristote.
Il y a quelque chose de rabelaisien dans l’œuvre de Bernard Cavanna (1951). Compositeur truculent et iconoclaste, il mêle hardiment culture populaire et savante, faconde et déraison. Dans Geek bagatelles, il s’empare
de ce qu’il y a de plus « sacré » au mélomane, l’Hymne à la Joie de la IXe Symphonie de Beethoven et la fait jouer par un chœur de smartphones.
Cette bagatelle avec orchestre est participative : le public, formé préalablement à l’utilisation d’applications téléchargées, joue, comme les musiciens de l’orchestre, sous la direction du chef. Ainsi déformé, l’hymne européen livre ce secret : la joie, les sentiments, l’élévation de l’âme sont encore le propre de l’homme, la machine n’est qu’un succédané divertissant de notre humanité. Ce concert de clôture du festival est donné par l’Orchestre de Chambre de Genève dans le cadre des Concerts du dimanche de la Ville de Genève (25 mars, Victoria Hall).
Marc Texier - directeur d'Archipel
