Cette pièce trouve son origine dans un poème de Philippe Jaccottet dédié à Henry Purcell*, écrit en septembre 1981 après un concert de James Bowman à Saint Julien le pauvre. C'est une commande pour l'orgue baroque de la cathédrale d'Auch.
Le fait que Henry Purcell soit exactement contemporain de l'orgue de la Cathédrale Sainte Marie d'Auch, de même que la couleur très particulière de la musique de Purcell (je pense à ces lamentations pour haute-contre, notamment «O Solitude», avec orgue et basse de viole) m'a amenée à orienter mon travail autour de ce musicien. Le poème de Philippe Jaccottet est une superbe méditation sur cette musique, évoquant la voix qui «se mêle aux étoiles» et la harpe, assimilée à la lyre (une des constellations de notre système solaire) «à laquelle Véga sert de clef bleue». D'où le
titre de l'œuvre, Véga, étoile et clef de voûte du poème.
Dans le but de rompre avec une certaine tradition de l'écriture pour orgue, j'ai essayé de privilégier les sonorités si singulières de cet orgue baroque, tout en indiquant d'autres possibilités de registration pour un orgue de type classique. La version présente est une des versions possibles de cette pièce, qui peut alors prendre une couleur toute différente suivant l'instrument sur lequel elle est interprétée. Le jeu de flageolet (jeu rare) évoque ici ces «degrés de verre» dont parle Philippe Jaccottet, et donne à l'œuvre des contours irréels où le timbre vient sans cesse brouiller le fil du discours.
La transcription pour deux accordéons microtonaux contribue d'une autre façon à restituer le caractère interstellaire de cette pièce.
* «A Henry Purcell», in «Pensées sous les nuages», Gallimard, 1994.