Luc Ferrari | |
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© Brunhild Ferrari
Né en 1929, Luc Ferrari est l’un des musiciens les plus inventifs et les plus singuliers de ces quarante dernières années. Il est passé par tous les foyers d’insurrection, toutes les idéologies musicales de la seconde partie du XXe siècle, et a réussi le tour de force d’en sortir parfaitement indemne et extraordinairement créatif jusqu’à son décès en 2005. Après des études au Conservatoire de Paris, en particulier auprès d’Olivier Messiaen, et un passage par le sérialisme, Luc Ferrari entre en 1957 au Groupe de Recherches Musicales de la RTF dirigé par Pierre Schaeffer où il devient une des figures pionnières de la musique concrète. Sans jamais cesser pour autant d’écrire des pièces instrumentales, c’est d’une façon extrêmement originale qu’il va se consacrer à faire entrer, sous la forme de «paysages sonores», la réalité du quotidien dans la musique électroacoustique avec des œuvres telles que Hétérozygote (1963) et Presque Rien n°1 (1967). «Lors des premières expériences de musique concrète nous prenions des sons dans les studios, des sons d’instruments divers: au piano, des instruments de métal… et nous disions que c’était des notes. À partir du moment où je suis sorti du studio avec le micro et le magnétophone, les sons que je captais venaient d’une autre réalité. C’était la découverte du social, une découverte que je n’avais pas prévue. J’ai écouté tous ces éléments que j’allais cueillir à l’extérieur, et j’ai dit que ces sons élaboraient un discours qui avait à voir avec la narration. Au début des années 60, cette musique était innommable. Alors j’ai dit "c’est de la musique anecdotique". Plus tard, on a appelé ça le "paysage sonore"». Dans la musique contemporaine, on ne sait pas trop quelle place donner à ce compositeur «décalé», qui semble s’ingénier à paraître léger, frivole et désinvolte, alors que pour l’auditeur attentif, chacune de ses œuvres est tout au contraire une invitation à la réflexion. L’unanimité se fait cependant sur un point: un charme indéfinissable émane de cet art des sons. Luc Ferrari bouscule les incertitudes, passe d’un domaine à l’autre en culbutant les frontières et les interdits musicaux et affiche dans nombre de ses œuvres des notions d’humour, d’intimité, de sensualité que d’aucuns jugent indignes de la musique «sérieuse». Réalisateur de nombreux Hörspiele radiophoniques et s’ouvrant parfois au théâtre musical, il fonde en 1981 le studio de recherche La Muse en Circuit. Réfractaire à tout dogme et muni du magnétophone-stylo d’un «journaliste musicien», Luc Ferrari n’a cessé de conjuguer avec bonheur l’émotion, la sensualité et l’humour dans des œuvres dont la portée dépasse de beaucoup la simple notion de «musique anecdotique» qu’il leur attribuait. Très récemment, il s’était lancé dans des improvisations en public avec de jeunes musiciens «électro» tels que eRikm, DJ Olive et Scanner. Créateur passionné par l’observation du réel, les désordres du corps seront la source de ses deux dernières œuvres. Tout au long de son parcours, Luc Ferrari aura refusé l’instauration d’un itinéraire préétabli, d’un procédé, d’une théorie. Il aimait trop les rencontres imprévues, les télescopages d’images sonores empruntées à la vie, les interventions électroniques inattendues, les compositions instrumentales bousculées. Il aimait trop franchir les frontières entre musique, son, documentaire, art radiophonique, théâtre musical, film… Il aimait trop le jeu et la déviation perverse des différents courants musicaux. |