Festival Archipel
Adams : « Viola, viola, viola, voilà »
Aperghis : « Photomaton-Commentaires »
Archetti : « Nullzeit IV »
Bedrossian : « La Conspiration du silence »
Berger : « Elastische Studie »
Bianchi : « Ouest profond »
Blinkhorn : « in situ bacia »
Cage : « But what about the noise… »
Carcano : « Compressed Cry Chronicles »
Feldman : « Christian Wolff in Cambridge »
Feldman : « For Stefan Wolpe »
Feldman : « The Viola in My Life I »
Feldman : « The Viola in My Life II »
Feldman : « The Viola in My Life III »
Fernández : « M-Brana »
Ferrari : « Hétérozygote »
Ferrari : « Les Grandes Répétitions, «Déserts» de Varèse »
Ferrari : « Madame de Shanghaï »
Ferrari : « Presque rien »
Ferrari : « Presque rien n°2 »
Ferrari : « Tautologos III »
Foofwa d'Imobilité/Barras/Jordan/Sordet : « Chore »
Furrer : « Klavierkonzert »
Garcia Vitoria : « Microscopi 1: Malson »
Gervasoni : « Concerto pour alto »
Gervasoni : « Tornasole »
Gjertsen : « Pastorale »
Hinant : « Luc Ferrari face à sa tautologie, deux jours avant la fin »
Holliger : « Trema »
Hong : « Black Arrow »
Huguet : « Le Puits de la joie »
Ferrari : « Archives sauvées des eaux (exploitation des concepts n°3) »
eRikm/Ensemble Laborintus : « Austral »
Kassap : « Ombres portées (les célibataires, même) »
Kourliandski : « Contra-relief »
Kurtag : « ...quasi una fantasia... »
Lachenmann : « Gran Torso »
Laubeuf : « Les Pérégrinations de Tokyo »
Lee : « Circulation »
Marussich/Zea : « Bleu remix »
Morales : « Acerca de la infinita nostalgia que provoca ese sentimiento de involuntaria ciclicidad »
Nono : « Fragmente-Stille, an Diotima »
Nono : « No hay caminos, hay que caminar... Andrei Tarkovski »
Ohara : « Travessia »
Padilla : « Feux de voix »
Pahg : « Au fil du temps »
Pelzel : « Chant fractal »
Pesson : « Bitume »
Politi : « Le Quatuor des possibles »
Reiter : « Tourette »
Rosenberger : « Room V »
Schafer : « Ashes in the air II »
Sciarrino : « Autoritratto nella notte »
Sciarrino : « Introduzione all'oscuro »
Sciarrino : « Tre notturni brillanti »
Tenney : « Koan: Having never written a note for percussion »
Tsangaris : « Tmesis »
Wolff : « Percussionnist Songs I, II, VI, VII »
Wyttenbach : « Trois Chansons violées »
Zea : « Bouffée délirante »
Carcano, Carlo
© D.R.

Définir et décrire Compressed Cry Chronicles n’est pas facile, ni nécessaire. Peut-être, je dirais que c'est un voyage sonore, traversé par un Cri. Mais le défi de consacrer des mots en guise de porte d'entrée à un événement non-verbal demeure fascinant, sorte d’auto-analyse longeant les courts-circuits de la communication.

Compressed Cry Chronicles est un DJ set, car il s'agit d'une playlist de morceaux, reliés, transformés, enrichis, détournés, remixés. Un flux continu de musique, qui dessine un parcours, qui oriente les énergies d'un lieu. Notre salle de concert, dans ce cas. Une playlist qui témoigne aussi d'une subjectivité, à travers l'expression des goûts, des choix passionnées du DJ, son envie d'amplifier et de partager émotions et découvertes musicales.

Compressed Cry Chronicles est un théâtre musical, car vision et geste sont inhérents à l'intention musicale. La durée de l'œuvre (quasi un opéra), la rhétorique assumée, la nature de personnage donnée aux éléments participants (les pièces rock, l'ensemble instrumental, le matériel musical, le public aussi, etc) sont théâtrales. Une mise en résonance du réseau des temps qui s'interpénètrent – en réverbération avec certaines réflexions de Gérard Grisey – se révèle également théâtrale: le temps instantané, le temps de la mémoire, le temps de la vision, le temps du quotidien de chacun, le temps psychologique des instrumentistes qui jouent, le temps du disque reproduit, le temps du compositeur (son vécu, la conception et écriture de l'œuvre), un temps historique, un temps hors-temps,.. Et c'est du théâtre au sens primitif, dans sa recherche d'un élan rituel, dans son envie d'un art qui puisse guérir, pour paraphraser Alejandro Jodorowsky.

Compressed Cry Chronicles est une symphonie. Au sens mahlérien du terme: construction d'un monde. À l’image de deux thèmes, deux espaces musicaux s'affrontent, et contribuent à cette construction. D'un côté, un espace qui se déploie, se modèle, s'incruste sur ces documents sonores / objets trouvés qui sont les pièces rock. De l'autre côté un matériel musical minime qui est expression d'un «moi», d'une subjectivité. Un embryon bâti autour d'un Do, de germes rythmiques et de lignes tentés par une directionalité, qui fait son parcours et traverse une évolution simple mais inexorable.

Ce qui suit est une petite chronologie symbolique. Les aventureux se défendront de lire, car ce n'est pas nécessaire…

Prologue:

0. Sit down. Stand up. (Ensemble + Radiohead).

On y découvre les acteurs. Le rock d'aujourd'hui – ici, le groupe «manifeste» Radiohead –, les musiciens, l'espace/vision. Et l'événement étrange qui est somme de tout ça. Porte d'entrée, soyez bienvenus. Asseyez vous, restez debout.

Première partie – Decompressed cries:

1a. Cry in (Ensemble + Nine Inch Nails).

Après la première des transitions «presque non musicales» traversée par une ombre de Do, on rentre dans le premier essai de décompression d'un cri retenu. Douceur de la solitude sans issue, piqûres qui réveillent et insensibilisent. Vouloir une chose qu'on ne pourra jamais avoir. Un cri tout intérieur, enfermé, infiniment interrompu.

1b. Cry out (Ensemble + Helmet / Slayer / Behemoth / Rage Against The Machine).

Deuxième transition, puis un nouveau cri. Jeté dehors cette fois, hurlé, craché. Sale, primordial, en périlleux équilibre entre machines et chair délabrée. Invoquer, réclamer, arracher une Liberté.

1c. Cry for real (Ensemble + Korn).

Troisième transition, puis ultime tentative d'expression de cri en s'appuyant sur une pièce rock, ici c'est la trahison inévitable du père et de la mère, l'horreur sensuelle du viol.

Deuxième partie – Black in Black

2a. Cry for real (continues).

De la représentation du cri, on passe à un cri personnel, réel. Passage nécessaire pour débloquer, se retrouver, évoluer. Le chanteur de Korn, Jonathan Davis nous laisse un document – vrai – de son cri. On commence à se taire. On quitte l'appui sur l'autre, sur les pièces rock, et on plonge dans soi-même.

2b. The only one left alive (Ensemble + Scott Walker).

Le sujet s'est fait absent, autiste. Lamento infini, inutile. Presque plus de «moi». Et pourtant, moi, je suis le seul resté vivant.

2c. Black birth (Ensemble + Queens Of The Stone Age).

Au fond du vide, retrouver une pulsation, aboutir à un cri d'accouchement, de libération.

Troisième partie – NowHere Jam

3a. Outside (Ensemble + Queens Of The Stone Age [continues]).

Dehors, nouvelle lumière, nouvelle perception de la réalité, nue. Nouvel espace, plus vaste. Le Do est devenu un Do dièse / Re bémol.

3b. Jam (Ensemble).

Une improvisation des musiciens nous ramène ici et maintenant, dans un temps fragile mais vivant, tactile et fluide.

3c. Now. Here. (Ensemble).

Rester avec ce qui est le plus simple, et continuer...

Liste détaillée des pièces utilisées: Radiohead – Sit down. Stand up (de l'album Hail to the thief). Nine Inch Nails– Something I can never have (des albums Pretty hate machine et Still). Helmet– In the meantime (de l'album Meantime). Slayer – Angel of death (de l'album Reign in blood). Behemoth – Towards Babylon (de l'album Demigod). Rage Against The Machine – Freedom (de l'album Rage Against The Machine). Korn – Daddy (de l'album Korn). Scott Walker – Jesse (de l'album The drift). Queens Of The Stone Age – A song for the dead (de l'album Songs for the deaf). Meshuggah – I (de l'album I).

Carlo Carcano
Dernière modification de la page: mardi 17 mars 2009. Ce site nécessite javascript.