Œuvres

Michael Jarrell
Nachlese Vb  2012 #25mn
pour soprano et ensemble sur des poèmes de Luis de Gongora
Commande: Ensemble Contrechamps et New York Philharmonic
Joué le 1er avril à 17h

© Pascal Frautschi

Il y a déjà longtemps que j'avais découvert certains textes de Góngora dans l'édition bilingue de la Dogana avec des traductions magnifiques de Philippe Jaccotet. J'ai trouvé ces poèmes très riches, impossible à réduire à une seule signification. C'est cela, à l'époque, qui m'a poussé à employer un sonnet de cet auteur dans sa langue originale et d'écrire Eco pour voix et piano.

Récemment, j'ai découvert une traduction allemande du même sonnet et j'ai été frappé par son interprétation tellement différente. Cela m'a donné l'idée de reprendre le texte original (et Eco) et d'y ajouter trois autres mouvements. Deux employant la traduction française et allemande, et un autre, uniquement instrumental. Quatre points de vue différents du même «objet», un peu comme lorsqu'un spectateur tourne autour d'une sculpture et découvre de nouvelles facettes, de nouvelles lectures.

Michaël Jarrell

Descaminado, enfermo, peregrino

en tenebrosa noche, con pie incierto

la confusión pisando del desierto,

voces en vano dio, pasos sin tino.

Repetido latir, si no vecino,

distincto oyó de can siempre despierto,

y en pastoral albergue mal cubierto

piedad halló, si no halló camino.

Salió el sol, y entre armiños escondida,

soñolienta beldad con dulce saña

salteó al no bien sano pasajero.

Pagará el hospedaje con la vida;

más le valiera errar en la montaña,

que morir de la suerte que yo muero.

Désorienté, malade, pèlerin,

dans la nuit sombre, d’un pas inexpert

arpentant le désordre du désert,

il erra et longtemps héla en vain.

Il ouït répété, sinon voisin,

l’aboi d’un chien à l’œil toujours ouvert

et sous un piètre et pastoral couvert

trouva pitié à défaut de chemin.

Vint le soleil et d’hermine voilée,

beauté dormeuse en tendre frénésie

assaillit l’encor faible voyageur.

Il paiera le gîte de sa vie :

mieux eût valu en la montagne errer

que de mourir de la sorte que je meurs.

Weglos und krank in finstrer Nacht

mit unsicherem Fuss

die Wirre des Ödlands betretend,

rief er ins Leer weglos.

Wiederholtes Bellen wenngleich fern,

vernahm er deutlich

und in Hirtenherberge unter schlechtem Dach

fand er Erbarmen, wenngleich er den Weg nicht fand.

Die Sonne stieg und eine Hermelin verhüllte

schlaftrunkene Schönheit in zärtliche Wut

überfiel den Wanderer in seinem Elend.

Gastfreundschaft wird er mit dem Leben bezahlen.

Besser wäre er durch das Gebirge irrt

so zu sterben wie ich sterbe.

Luis de Góngora