Œuvres

Ludovic Thirvaudey
Le Jardin des délices  2012 #15mn
pour ensemble
Joué le 1er avril à 17h

© Hugues Siegenthaler

Ludovic Thirvaudey

Le Jardin des délices, d'après Jérôme Bosch, pour ensemble (2012)

Le tableau de Jérôme Bosch a servi de point de départ pour l'ensemble des trois mouvements. Ce n'est pas tant une illustration musicale que la traduction de sensations visuelles ou de la perception gestuelle du triptyque.

Le premier mouvement exprime l'ineffable quiétude intemporelle, quoique déjà corrompue (présence de la chouette et d'animaux étranges), représentée par le panneau de gauche, le Paradis terrestre.

Il s'appuie aussi sur la représentation de la Création du monde lorsque le triptyque est refermé: un globe aux formes encore indécises, aux couleurs ternes et au temps pesamment lent. Le coup de tam-tam initial évoque cette image, tandis que la musique prend naissance de ce son immense.

Le deuxième mouvement prend sa source dans les mouvements tournoyants du panneau central: des hommes à cheval décrivant une course fantasque et débridée autour d'un étang, où se baignent les femmes convoitées; des scènes lubriques, quel que soit le point de vue; des formes étranges, alcôves de plaisir ou refuge reposant. Le matériau musical est emprunté au répertoire de la Renaissance: le Tourdion, danse rapide anonyme; En l'ombre d'un buissonnet et Allégez-moi de Josquin des Prés; le Chant des oyseaux de Clément Janequin. Le travail sur les mélodies extraites de ces œuvres s'inspire librement des procédés d'écriture de la Renaissance: polyphonie, imitations, canons, etc., pour donner cette impression de fuite circulaire.

Tourdion

Quand je bois du vin clairet

Ami tout tourne, tourne, tourne, tourne

Aussi désormais je bois Anjou ou Arbois

Chantons et buvons, à ce flacon faisons la guerre

Chantons et buvons, les amis, buvons donc

En l'ombre d'un buissonnet

En l'ombre d'un buissonnet

Tout au long d'une rivière

J'ai trouvé là le fils Marguet

Qui priait sa dame chère

En disant par sa manière:

« Je vous aime fin cœur doux »

Adonc répondit la bergère:

« Robin comment l'attendez-vous. »

Allégez-moi

Allégez-moi

Douce plaisant brunette

Dessous la boudinette

Le Chant des Oyseaux

Réveillez-vous, cœurs endormis

Le dieu d'amours vous sonne

[…]

Le troisième mouvement, L'Enfer, la Géhenne, est ce célèbre panneau de droite, où l'être humain est torturé pour expier ses fautes. Des groupes instrumentaux de trois musiciens (hautbois, harpe et claviers; flûte et deux clarinettes; les trois cuivres) luttent, se télescopent et tentent d'infléchir chacun vers son propre discours. Les quatre premières notes du Dies irae traversent le mouvement, discrète allusion à un autre triptyque de Bosch, Le Jugement dernier. Point de repos ici. Mise à mal des instruments, comme le hautbois (un pommer dans le tableau de Bosch, instrument à anche double de la Renaissance) qui est écartelé dans son ambitus ou comme la petite trompette qui s'accroche dans les aigus.

Ludovic Thirvaudey