En juin 1986, j'ai découvert les travaux de Markus Raetz au Kunsthaus de Zürich, qui m'ont profondément impressionné. L'artiste a thématisé l'acte de regarder et a réfléchi sur nos habitudes en la matière. Sous cette influence, mes Nocturnes se sont orientés dans une direction comparable: rompre les habitudes d'écoute pour les faire accéder à la conscience.

Des éléments connus, identifiables, peuvent devenir de nouvelles expériences auditives lorsqu'ils sont combinés de façon inhabituelle, ainsi que l'a fait John Cage dans Happy New Ears. Une confrontation critique à la tradition est devenue particulièrement importante, en raison de l'immense variété des choses qui sont représentées aujourd'hui.

Le premier Nocturne, «le dernier cigare d'Anton Webern», n'est pas une musique dramatique, malgré le titre (Webern fut tué en 1945 par un militaire américain qui le prit pour un contrebandier alors qu'il était allé fumer un cigare sur le balcon). Je vois des rapports à la musique de Webern dans la signification du silence et de sa compression. Un seul son peut devenir déclencheur de toute une chaîne d'associations. L'instrumentation est fragmentée: en fait ce nocturne est une pièce pour piano, occasionnellement sa longue chaîne d'accords est coloriée comme une aquarelle par un ensemble de vents, de cordes et la percussion utilisée d'une manière économique. Ainsi naît un effet comparable à un dessin avec de légères pointes de couleurs. Les accords assument la référence à Canope et La Terrasse des audiences du clair de lune de Debussy.

Dans le second nocturne, «Andante ritardando», de bref passages de musique classique s'entrechoquent dans un traitement contemporain. Il ne s'agit pas de réintroduire le classicisme, le romantisme ou l'expressionnisme. Une distance aux modèles est maintenue, la rupture a eu lieu, quand aux «citations», ce sont en fait des exercices de style que j'ai composé.