C'est une chance inestimable que Jean Barraqué ait conservé ses œuvres de jeunesse. Une valise qui ne payait pas de mine et qui est longtemps restée remisée au fond d'un grenier à Paris s'est révélée être une véritable malle aux trésors. Elle contenait l'héritage musical laissé par Barraqué : tout un ensemble d'autographes, qui, pour la plupart, remontent aux années 1940 et témoignent de la diversité des compositions de Barraqué avant sa première œuvre, qu'il a lui-même éditée, la Sonate pour piano (1950-1952). Pièce de musique de chambre la plus représentative de la première période, l'unique Quatuor à cordes de Barraqué revêt un intérêt particulier. Concernant cette œuvre née dans la seconde moitié de l'année 1949, on trouve, outre les copies au propre de ses quatre mouvements, beaucoup d'esquisses et de versions préliminaires, ainsi que diverses "reihentabellen" (tables de séries). Il s'agit de musique sérielle, formulée de manière extrêmement différenciée. Ces sources de premier ordre livrent des informations fascinantes sur la genèse de l'œuvre.
À maints endroits, Barraqué incorpore la structure dodécaphonique dans les versions préliminaires du manuscrit, met verbalement en évidence des incisions formelles (reprises, etc.) et donne parfois davantage d'indications de dynamique et de tempo dans les sources annexes que dans la copie au propre. Cependant, même lorsque l'on transcrit ces détails sur la partition de référence, la dynamique et le rendu de la texture en filigrane restent incomplets, et il n'y a pas d'indications de tempo pour les mouvements extrêmes. Tout tient donc à l'intuition et à la sensibilité des interprètes. De temps à autre, le fil sonore se révèle tissé de façon extrêmement délicate et fragile. En effet, on trouve parfois des passages à l'unisson plus longs, surtout dans le troisième mouvement, Thème et variations. Dans les esquisses du Final virtuose, Barraqué utilise deux termes provenant du rondo: refrain, pour les passages strictement imitatifs, et couplet, pour les passages libres. Dans l'entraînant Rondo finale, entre autres, de nombreux signes annoncent déjà la Sonate pour piano.