Œuvres

Guillaume de Machaut
Messe de Nostre-Dame  1364 #50mn

Joué le 23 mars à 17h
Photo Régis Golay © Archipel, 2014

L’analogie visuelle qui existe entre la Messe de Nostre-Dame et l’image complexe des cathédrales au décorum infini et multiple a sans cesse été relevée, et pour cause! Ce monument de l’histoire musicale constitue le témoin éloquent du génie architectural d’un compositeur qui se joue des techniques d’écriture de son temps. En dépit d’affirmations parfois abusives sur les qualités unitaires de l’œuvre faisant d’elle l’initiatrice des grandes pièces cycliques du XVe – et ce à cause du fameux motif de quinte descendante représentant une formule ornementale usuelle et non un thème à proprement parler – cette pièce n’en demeure pas moins la première manifestation polyphonique d’une messe entièrement rédigée par une main unique.

L’histoire nous rapporte que cette page de la littérature du Moyen-Âge fut composée pour des raisons avant tout liturgiques. Rappelons en effet que, dans les premiers temps, la forme musicale de la Messe est indissociable de la liturgie et demeure entièrement subordonnée à celle-ci; une messe ne se conçoit pas comme une œuvre musicale, mais comme une manière d'orner une cérémonie liturgique. Aussi, Machaut a-t-il vraisemblablement écrit cette Messe au début de 1360 pour célébrer la Vierge Marie chaque samedi dans la Cathédrale de Reims où il occupe la fonction de chanoine. L’Ordinaire, dont les textes doxologies restent invariables, y est rehaussé par une instrumentation à quatre voix soit à la manière du motet (pièce brève avec des développements contrapuntiques) dans le Kyrie, le Sanctus et l’Agnus Dei, soit à la manière du conduit (plus homophonique) pour les Gloria et Credo.

La partie initiale, dans le pur style motet à quatre voix utilise pour son assise harmonique une teneur (Kyrie VI Cunctipotens genitor) et contreteneur isorythmiques au-dessus desquelles les deux voix supérieures, plus mélodiques, s’entremêlent en des rythmes complexes. L’ingéniosité de Machaut est prégnante dans l’organisation arithmétique des voix dont l’agencement des taleae (structure rythmique préétablie) est parfois tortueux. Les Gloria et Credo qui suivent sont très étroitement liés stylistiquement; ces deux sections en mode de Ré proposent une structure musicale et harmonique soutenant tout particulièrement le sens théologique du texte. Le Sanctus qui suit révèle quant à lui une isorythmie stricte portée par plus d’une dizaine de taleae et comporte une écriture en tuilage impressionnante. La dernière partie Agnus dei reprend le mode de fa introduit dans le Sanctus et soulève par une triple acclamation mélodique le propos chrétien. Finalement, l’Ite missa clôt l’agencement stratifié de l’œuvre par une écriture en hoquet aux voix supérieures.

Orane Dourde