Festival Archipel 2010
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Murail: Winter Fragments
Maor: Kultur
Murail: Treize couleurs du soleil couchant
Matalon/Pachini: Tunneling
Markéas: Trois voyages
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Murail, Tristan
D.R.

De Treize Couleurs du soleil couchant, on a souvent dit que c'était une pièce « impressionniste ». Il est vrai que la toile de Monet qui donna son nom au mouvement impressionniste s'intitulait Impression, soleil levant - il y a là peut-être quelque symétrie... En tout cas, si « impressionnisme » signifie avant tout le contraire d' « expressionnisme », je pourrais être d'accord.

Pour être « impressionniste », la pièce n'en est pas moins très structurée. Les proportions, les intervalles et harmonies principales, les pulsations ont été déterminés a priori, et sont en relation d'homothétie plus ou moins exacte. Fort heureusement, on ne s'en aperçoit pas à l'audition...

Je pense cependant qu'on peut facilement entendre la succession des « treize couleurs », même sans compter sur ses doigts, car chacune d'entre elles est bien caractérisée.

Plus que d'impressionnisme, je parlerais volontiers de symbolisme. Du phénomène naturel du coucher de soleil, c'est la structure, l'évolution temporelle qui est retenue : la façon dont couleurs et lumières évoluent, se transforment, rapidement mais imperceptiblement. Métamorphoses insensibles, qui mènent à des couleurs tranchées.

Techniquement, la pièce repose sur treize sections (plus une section introductive) basées chacune sur deux sons qui forment des intervalles différents aux couleurs caractéristiques. Ces intervalles s'engendrent les uns les autres par « dérive harmonique ». Les instruments ont un rôle structurel assez bien défini : flûte et clarinette jouent les intervalles générateurs de la musique, violon et violoncelle les font dériver (en faisant entendre les harmoniques des sons de base, ou leur intermodulation - additionnels et différentiels -, ou encore en glissant par micro-intervalles), le piano enveloppe le tout d'échos ou de prémonitions.

L'écriture des instruments utilise les sons complexes (multiphoniques, jeu sur la pression d'archet, etc.) et cherche à les intégrer dans le discours musical. Par ailleurs, le traitement harmonique nécessite l'utilisation de micro-intervalles (jusqu'au huitième de ton) qui sonnent pourtant de manière tout à fait « naturelle ».

Partant d'une clarté moyenne (dans le médium), la pièce monte vers un maximum de lumière (sixième « couleur »), pour redescendre vers le grave, le sombre. Le treizième et dernier intervalle, enrichi et repris en écho, sonne comme un glas.

Tristan Murail