Festival Archipel 2010
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Grisey: Stèle
Garcia Vitoria: Microscopi 3: Calc
Giménez-Comas: Tardor transfigurada
Grätzer/Browning: The Mystery of the Leaping Fish
Grätzer/Keaton: Sherlock Jr.
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Grätzer, Carlos: The Mystery of the Leaping Fish (2008) 26’
D.R.

Film culte, pour son caractère atypique, et en particulier pour la manière burlesque et satirique dont il traite les addictions du personnage principal. Le film a été produit par le Triangle, la société de D.W. Griffith, la même année que Intolérance. D.W. Griffith en a supervisé le scénario, qui a été imaginé et écrit par Tod Browning. La version définitive est celle réalisée par John Emerson, avec l'assistance de Tod Browning et celle d'Anita Loos qui écrivit les didascalies.

Le film présente une des aventures du détective Coke Ennyday (interprété par Douglas Fairbanks), personnage parodique de Scherlock Holmes, dont les journées sont rythmées par quatre activités : « Sleep, Eat, Drink, Dope ». Coke Ennyday est chargé d'enquêter, par le directeur des services secrets Keenes, sur la vie d'un milliardaire. Au bord d'une plage, il fait la connaissance de « Little Fish Blower », la loueuse de bouées en forme poissons volants.

L'intérêt du film réside dans le burlesque qui ne se limite pas seulement au célèbre personnage de Fairbanks se moquant de son propre rôle, mais plus précisément de l'opposition entre le « détective scientifique » qui sait tout de tout et la méthode qu'il met en œuvre pour réaliser son travail.

Mon idée est de donner une nouvelle lecture aux films de cette période. Concernant Buster Keaton, considéré comme une figure majeure de l'histoire du cinéma, son image reste cependant étroitement lié au burlesque, ce qui est une vision réductrice. Les qualités de Keaton sont la perspicacité et la tendresse, une vision subtile des rapports humains ainsi qu'une conception originale des structures cinématographiques. En effet, son sens formel, ses dons de géomètre et de constructeur, lui permettent de changer constamment le réel, en imposant au discours les images qu'il veut créer, même si elles ne sont pas crédibles.
Pour le film de Tod Browning, qui est complètement loufoque, mais avec une approche décalée et moderne (il préfigure la télésurveillance, par exemple), j'ai conçu une musique pleine de vivacité et de contrastes. Les moments de réflexion du détective (personnage principal), concentré sur ses jeux d'échec et sur ses méthodes pour combattre les gangs de l'opium, m'ont inspiré une variabilité spontanée, me permettant d'inclure une grande diversité de techniques.
Le choix des films répond à des questions aussi bien cinématographiques que musicales. Du point de vue cinématographique, en dehors de l'évocation commune du détective dans les deux films, on retrouve la notion de « distance brechtienne ». Cette notion provoque une rupture chez le spectateur, lui permettant de prendre conscience que ce qu'il voit n'est que de la fiction. Dans Le mystère du poisson volant cette distance s'exprime dans le scénario du film, dans Sherlock Jr. c'est dans la réalité cinématographique elle-même que la notion est exprimée.
Concernant la musique, j'ai suivi l'action avec une rhétorique musicale qui appuie la dramaturgie. L'étrangeté et l'irréel de ces films m'ont inspiré des sons évoquant des bruits (la mer, une voiture, des pas), mais transformés, pour garder la distance du réel.
Je voudrais citer une phrase de Buster Keaton qui a largement inspiré mon travail : La surprise est l'élément principal, l'insolite notre but, et l'originalité notre idéal

Carlos Grätzer