Festival Archipel 2010
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Grisey: Stèle
Garcia Vitoria: Microscopi 3: Calc
Giménez-Comas: Tardor transfigurada
Grätzer/Browning: The Mystery of the Leaping Fish
Grätzer/Keaton: Sherlock Jr.
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Grätzer, Carlos: Sherlock Jr. (2007) 45’
D.R.

Le personnage, joué par Buster Keaton, est un projectionniste de film qui, passionné par le cinéma et amoureux d’une caissière de cinéma, s’identifie en rêve au célèbre détective de l’écran, Sherlock Holmes.

Keaton joue, en ce sens, avec la nature même du cinéma, en mettant pour ainsi dire en abîme, sa « tricherie » de base : le fait qu'il nous présente comme une réalité sa simple illusion, une chimère toute de lumières et d'ombres. Il met sur le même plan la bi-dimensionnalité de l'image et les trois dimensions du réel, nous rappelant en parallèle, que tout ce qu'on regarde, de toute manière, ne saurait être que du cinéma. Chez Keaton, à la réduction de la réalité à l'image, il est vrai, succède une nouvelle ouverture de celle-ci sur l'espace réel : le « film dans le film », comme l’a remarqué Petr Kral.

« Keaton, (selon un autre spécialiste, Walter Kerr) est un comique explorateur, qui explore d'abord l'espace artificiel et illusoire de la vision cinématographique elle-même. » Une des démonstrations magistrales de la magie du cinéma.

L'intérêt du film réside dans le burlesque qui ne se limite pas seulement au célèbre personnage de Fairbanks se moquant de son propre rôle, mais plus précisément de l'opposition entre le « détective scientifique » qui sait tout de tout et la méthode qu'il met en œuvre pour réaliser son travail.

Mon idée est de donner une nouvelle lecture aux films de cette période. Concernant Buster Keaton, considéré comme une figure majeure de l'histoire du cinéma, son image reste cependant étroitement lié au burlesque, ce qui est une vision réductrice. Les qualités de Keaton sont la perspicacité et la tendresse, une vision subtile des rapports humains ainsi qu'une conception originale des structures cinématographiques. En effet, son sens formel, ses dons de géomètre et de constructeur, lui permettent de changer constamment le réel, en imposant au discours les images qu'il veut créer, même si elles ne sont pas crédibles.
Pour le film de Tod Browning, qui est complètement loufoque, mais avec une approche décalée et moderne (il préfigure la télésurveillance, par exemple), j'ai conçu une musique pleine de vivacité et de contrastes. Les moments de réflexion du détective (personnage principal), concentré sur ses jeux d'échec et sur ses méthodes pour combattre les gangs de l'opium, m'ont inspiré une variabilité spontanée, me permettant d'inclure une grande diversité de techniques.
Le choix des films répond à des questions aussi bien cinématographiques que musicales. Du point de vue cinématographique, en dehors de l'évocation commune du détective dans les deux films, on retrouve la notion de « distance brechtienne ». Cette notion provoque une rupture chez le spectateur, lui permettant de prendre conscience que ce qu'il voit n'est que de la fiction. Dans Le mystère du poisson volant cette distance s'exprime dans le scénario du film, dans Sherlock Jr. c'est dans la réalité cinématographique elle-même que la notion est exprimée.
Concernant la musique, j'ai suivi l'action avec une rhétorique musicale qui appuie la dramaturgie. L'étrangeté et l'irréel de ces films m'ont inspiré des sons évoquant des bruits (la mer, une voiture, des pas), mais transformés, pour garder la distance du réel.
Je voudrais citer une phrase de Buster Keaton qui a largement inspiré mon travail : La surprise est l'élément principal, l'insolite notre but, et l'originalité notre idéal

Carlos Grätzer